Un pôle public financier au service du droit à la conversion écologique de l’économie.

lundi 19 mars 2012
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La démarche du collectif pour « un pôle public financier au service des droits » s’inscrit dans le fil de la Déclaration universelle des droits de l’homme (lire ici) , c’est-à-dire que nous défendons l’idée que l’homme, en tant que tel, et indépendamment de sa condition sociale, a des droits « inhérents à sa personne, inaliénables et sacrés », et donc opposables en toutes circonstances à la société et au pouvoir.
S’agissant du droit à la conversion écologique de l’économie, même si-celui-ci ne figure pas expressément dans la déclaration des droits de l’Homme, il semble peu discutable que l’humanité, et chaque être humain qui la compose, a le droit d’être protégée des conséquences de la crise écologique, c’est-à-dire d’un ensemble de phénomènes qui menace les conditions mêmes de sa survie. Il est tout aussi manifeste que le modèle économique dominant actuel est la cause majeure du changement climatique, de l’épuisement des ressources naturelles et de la destruction de la biodiversité. Chaque d’entre nous, conformément aux principes de la Déclaration de Rio (voir ici) signée par une centaine de pays dont la France, est donc en droit de demander une transformation de ce modèle afin de le rendre écologiquement soutenable.
Les ressources financières à mobiliser à cet effet sont considérables : la Commission européenne a évalué les besoins de financement de la transition écologique à environ 2,5 % de PIB chaque année, pendant au moins une décennie, soit, pour la France, environ 50 milliards d’euros par an. Selon les études réalisées au moment du Grenelle de l’environnement, environ 20 milliards d’euros doivent reposer sur de l’argent public, le reste étant lié à des investissements privés réalisés par les entreprises et les ménages.

Alors que le débat public se cristallise sur la question de la réduction de la dette et de la dépense publique, nous ne pouvons que constater que le financement de la transition écologique est en passe de compter parmi les victimes de la politique d’hyper austérité annoncée.
Pourtant des marges de manœuvre existent. Le pôle public financier fait partie intégrante de ces outils dont les pouvoirs publics devraient se saisir afin de mobiliser les ressources nécessaires à la satisfaction des besoins sociaux et environnementaux.
Le collectif propose d’articuler l’action du pôle public financier au service du « droit à a la conversion écologique de l’économie » autour de 5 cibles prioritaires :
Le financement d’opérations améliorant l’efficacité énergétique des bâtiments ;
Le financement de projets d’infrastructures de transport permettant la réduction de leurs impacts écologiques ;
Le soutien à la conversion écologique de l’agriculture ;
Le conseil, le financement et l’accompagnement pour le développement de l’économie sociale et solidaire et de filières industrielles propres, notamment dans le domaine des énergies renouvelables et de l’économie circulaire ;
la régulation de l’activité du secteur bancaire.

1) Le financement d’opérations améliorant l’efficacité énergétique des bâtiments 

a) la rénovation thermique des bâtiments

i) Le tiers investisseur : un outil de financement innovant
Le tiers investisseur est un mode de financement qui vient en appui d’un type de contrat particulier, le contrat de performance énergétique (CPE).
Le CPE est un outil qui vise à faciliter la réduction des consommations énergétiques des bâtiments. Il consiste en un accord contractuel entre le maître d’ouvrage (le bénéficiaire) et une société de service d’efficacité énergétique (une entreprise ou un groupement d’entreprises) pour la réalisation de mesures visant à améliorer l’efficacité énergétique d’un (ou plusieurs) bâtiment. Le niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique est contractuellement défini et garanti par la société de services contractante.
Le tiers investissement consiste à faire financer les mesures identifiées dans le CPE par un tiers, lequel se rembourse, pour tout ou partie, sur les économies d’énergies obtenues grâce aux travaux ou aux équipements.
ii) Le tiers investisseur : un outil de financement modulable
Le dispositif de tiers investisseur pourrait s’adresser, pour financer tout ou partie des travaux de rénovation thermique, aux :
collectivités locales. Le grenelle de l’environnement prévoit que l’ensemble du parc soit rénové à l’horizon 2020 pour un coût estimé à 56 milliards d’euros (voir rapport Ernst and Young là). S’agissant des collectivités locales, le mécanisme du tiers investisseur pourrait être porté par la Banque Postale de développement local ;
sociétés HLM. Il est prévu la rénovation thermique de 800.000 logements HLM d’ici 2020, avec un rythme de travaux concernant 70.000 logements par an à partir de 2013, pour un coût estimé à environ 9 milliards d’euros. La Caisse des dépôts pourraient proposer un dispositif de tiers investisseur dans son offre de produits destinés au financement du logement social ;
copropriétés. L’actualité récente a mis en lumière la situation de « quasi-faillites » de nombreuses co-propriétés. Le collectif pôle public financier propose de lancer une étude afin d’étendre le dispositif du tiers investisseur, en privilégiant les solutions de clusters écologiques (en savoir plus ici), aux co-propriétés peu solvables, ainsi qu’à des propriétaires de résidences individuelles particulièrement fragiles financièrement.

De manière à encourager la promotion du recours à des modes de chauffage alternatif (PAC, biomasse, déchets, géothermie …), le surcoût lié à ce type d’installation pourra être financé par le dispositif de tiers investisseur, compléter, dans le cas ou le dispositif ne permettrait pas de dégager des économies suffisantes, par des prêts bonifiés (ex : taux 0%).
b) Conditionner les aides à l’accession sociale dans le logement ancien à la réalisation de travaux d’efficacité énergétique
Seule l’accession sociale dans l’ancien permet des remboursements proches d’un loyer, donc maitrisables pour les budgets les plus modestes. La qualité des logements en matière de consommation énergétique est un facteur de prix important, surtout depuis 2011 où le montant du prêt à 0% était inversement proportionnel à la note obtenue au bilan énergétique !
Le collectif propose de relancer l’accession sociale dans l’ancien de manière significative afin de fluidifier à nouveau le parc résidentiel par l’intermédiaire de prêts bonifiés distribués notamment par le Crédit Foncier de France.
A l’inverse des modalités du PTZ+ 2011, plus la note énergétique est faible, plus le montant du PTZ sera majoré (cumul avec l’aide Eco-PTZ en un seul prêt), avec obligation de remise aux normes de manière à rénover le parc existant et limiter le budget énergie des accédants.
Il propose également de relever significativement le plafond des Eco-Prêts, et de ne plus en subordonner l’octroi à la réalisation de deux types de travaux simultanés.
2) Le financement de projets d’infrastructures de transport permettant la réduction de leurs impacts écologiques 
Le scénario retenu dans le cadre du Schéma National des Infrastructures de Transport (SNIT), qui est un outil créé dans le cadre du grenelle pour définir les orientations politiques devant être conduites par l’État dans les domaines de l’entretien, de l’exploitation, de la modernisation ou encore du développement de ses réseaux d’infrastructures ainsi qu’en matière de réduction de leurs impacts sur l’environnement, évalue à 245 milliards sur 20/30 ans l’enveloppe nécessaire à la réalisation des opérations envisagées, dont 32 %, soit 78 milliards non financés, seraient à la charge des collectivités locales.
Le collectif pôle public financier partage l’analyse du CESE développé dans son avis du 28/02/2012 (voir ici) concernant l’impasse faite sur la question financière, notamment pour les investissements à la charge des collectivités locales. En revanche, plutôt que la création d’un Livret des Infrastructures Durables (LID), le pôle public financier estime que le relèvement des plafonds de l’épargne réglementée doit permettre de mobilier les fonds nécessaires pour le financement des projets des collectivités locales via l’intervention concertée de la Banque Postale de développement local et des filiales de la CDC spécialisée dans ce type d’investissement.
3) Le soutien à la conversion écologique de l’agriculture

Soutien au développement d’une agriculture paysanne de proximité.
Le développement d’une agriculture de proximité favorise les circuits courts, l’autosuffisance des territoires, une agriculture de qualité et la création de liens directs entre le consommateur et le producteur. Ces démarches rencontrent un succès important (Voir AMAP, Réseau Cocagne …) mais sont freinées par la pression exercée sur les prix de foncier, du fait notamment de l’étalement urbain, qui empêche le maintien ou l’installation d’agriculteurs.
Aux fins de promouvoir le développement de l’agriculture de proximité, le Fond d’Intervention pour le Développement de l’Economie Sociale et Ecologique (FIDESE) pourrait intervenir sur des opérations d’achats de terres et de matériel agricole soit directement, soit en garantie ou en participation sur des opérations de financement mixte. Les terrains et le matériel acquis seraient loués à des agriculteurs ayant un projet d’installation viable.
promotion d’une agriculture écologique et productive
Afin de parvenir à la structuration et au développement de la filière biologique, le Grenelle visait l’augmentation de la SAU en bio (objectif initial de 6% en 2010, reporté à 2012). Ces objectifs ne seront pas tenus (avis du CESE sur le grenelle consultable ici). Si des moyens financiers ont été débloqués pour amorcer cette conversion au bio, la reconduction de ces dispositifs ne semblent pas assurée. Le FIDESE pourrait constituer la source de financement stable qui manque pour assurer durablement la structuration de la filière bio.

4) Le conseil, le financement et l’accompagnement pour le développement de l’économie sociale et solidaire et de filières industrielles propres, notamment dans le domaine des énergies renouvelables 

a) Soutien au développement de l’économie sociale et solidaire

i) Contribuer au développement des pôles territoriaux de coopération économiques
Un pôle territorial de coopération économique est « un regroupement, sur un territoire donné, d’initiatives, d’entreprises et de réseaux de l’économie sociale et solidaire associé à des PME socialement responsables, des collectivités locales, des centres de recherche et organismes de formation, qui met en œuvre une stratégie commune et continue de coopération et de mutualisation au service de projets économiques innovants de développement local durable. » (lire là )

Dans une note (lire là), le labo ESS évalue entre 50 et 100 millions l’enveloppe qui serait nécessaire pour la mise en place d’un dispositif national d’expérimentation, de capitalisation et de labellisation de 50 pôles territoriaux de solidarités économiques, soit de 3% à 6% du montant alloué aux pôles de compétitivité. Ce coût de financement pourrait être pris en charge par le Fond d’investissement pour le Développement de l’Economie Sociale et Ecologique (FIDESE) dont l’engagement serait réévalué à l’issue de la phase expérimentale.

ii) Promouvoir la création de monnaies locales
« Une monnaie locale est une monnaie "interne", créée par une association ou une municipalité pour servir dans les échanges locaux de biens et services ». Leur rôle est principalement de permettre une relocalisation de l’économie en favorisant les échanges locaux, et comme, cette monnaie circule plus vite du fait de son caractère fondant, elle contribue à développer le volume d’activité sur des circuits courts en conservant un modèle écologiquement soutenable (voir la sol violette ici).
Le pôle public financier au travers de la Banque de France et du FIDESE doit apporter son concours pour le développement et l’expérimentation de mise en circulation de monnaies locales.

b) Un soutien aux TPE/PME de la filière des énergies renouvelables 
Le développement des énergies renouvelables est un enjeu majeur tant dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique qu’en termes d’indépendance énergétique.
Dans ce cadre, le soutien de la Caisse des Dépôts, qui s’est traduit par des participations minoritaires dans les petites et moyennes entreprises (PME), aux filières en phase de structuration (photovoltaïque, biomasse), ou aux filières en phase de mutation (éolien, géothermie, micro-hydraulique) doit être reconduit, a minima, à la même hauteur que l’enveloppe débloquée sur la période 2008-2010, soit 150 millions d’euros.
c) Un support pour le développement de l’économie circulaire ou de filières « propres » innovantes
Par exemple, il n’existe pas en France de filière pour la déconstruction des navires en fin de vie, pourtant celle-ci permettrait de développer des activités à fort potentiel écologique par l’acquisition de savoir faire en terme de traitement, de recyclage et de transport des matériaux, des fluides, de moyens énergétiques et la création d’emplois qualifiés. Pour trouver leur modèle économique, ces filières « propres », notamment celle qui s’appuie sur les principes de l’économie circulaire (voir ici) auront besoin d’un soutien public tant au niveau national que territorial. Le pôle public financier doit contribuer, par sa surface financière et par son expertise, à l’émergence de ces innovations de ces nouvelles filières.
d) Aide aux TPE/PME pour la réalisation d’investissement en faveur de l’efficacité énergétique.
Les TPE peuvent rencontrer d’importantes difficultés de financement bancaire, il serait donc utile de créer un dispositif spécifique leur permettant de pouvoir accéder au crédit pour financer des opérations d’économies d’énergie à des conditions raisonnables.
Le collectif pôle public financier propose, conformément aux recommandations des tables rondes nationales pour l’efficacité énergétique, la création un prêt participatif porté par OSEO, spécifiquement dédié aux TPE et à l’efficacité énergétique : le Prêt Efficacité Énergétique (PEE).

5) la régulation de l’activité du secteur bancaire

La politique de distribution de crédit poursuivie actuellement classe les grands groupes bancaires français en tête des entreprises les plus polluantes (lire ici ).
Nous proposons que le coût de la monnaie centrale soit modulé, par la mise en place un système malus/bonus appliqué aux taux d’intérêts des opérations de refinancement effectuées auprès de la Banque de France, en fonction de l’impact écologique des activités des établissements de crédit emprunteuses.
Cette mesure devra être complétée par une révision de la cotation par la Banque de France de manière à y intégrer des critères écologiques, c’est-à-dire que les établissements de crédit ne pourront plus apportés en garantie de leurs emprunts en monnaie centrale des créances sur des sociétés privés ne respectant des normes environnementales préalablement définies.


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